"Il est toujours débordé, on n'arrive jamais à le voir."
Cette phrase, on l'entend.
Parfois, on la prononce.
Parfois, on l'incarne.
Ce tourbillon incessant de rendez-vous,
de réunions, de tâches qui s'empilent.
Cette course où chaque minute est comptée,
où le temps avec les autres devient une transaction chronométrée.
Sinon, "plus rien ne passe".
Ce rythme effréné,
sans espace pour reprendre son souffle,
nous murmure une accusation constante
"Tu n'en fais jamais assez."
Et la culpabilité s'installe,
insidieuse.
Le débordement comme preuve d’engagement,
ou comme symptôme d’autre chose ?
Les visages multiples du débordement
Le débordement n'est pas monolithique.
Il prend des formes variées,
souvent révélatrices.
Le choix de la vitesse
Pour certains, c'est une quête délibérée.
Vivre à cent à l'heure,
tout tester,
ne refuser aucune option,
chercher la mythique "25ème heure".
Une ivresse de l'action,
une fuite en avant pour sentir le pouls de la vie...
ou peut-être pour ne pas affronter le vide ?
Cette agitation choisie nourrit-elle un projet profond ou masque-t-elle une peur de l'immobilité, du silence ?
La spirale subie
Pour d'autres, c'est une immersion forcée.
Submergé par un quotidien
où chaque nouvelle tâche s'ajoute à une pile déjà chancelante.
Le temps se contracte, l'estomac se noue.
La vie passe en mode automatique,
un film en accéléré où l'on plonge en apnée chaque matin
pour remonter à la surface,
chaque soir, un peu plus essoufflé.
Quand le sentiment d'être dépassé devient la norme, qui pilote réellement ? Vous, ou les circonstances ?
La stratégie du chaos organisé
Parfois, être (ou paraître) débordé est une tactique.
Une armure pour éviter de nouvelles responsabilités ("Désolé, je suis sous l'eau").
Un levier pour dicter l'urgence ("C'est moi qui décide des sujets chaud").
Une excuse pour justifier retards et échecs ("Vous comprenez, avec tout ce que j'ai...").
Dans ce chaos apparent, se cache parfois un ordre au service d'intérêts personnels.
Cette stratégie vous protège-t-elle vraiment, ou vous isole-t-elle dans une forteresse avec votre stress, vos peurs et vos ressentiments ?
Ces différentes formes de "débordement"
sont souvent des mécanismes d'adaptation,
des réponses bricolées à un système (social, professionnel, émotionnel)
qui valorise l'agitation.
Mais cette adaptation a ses limites.
Et parfois, elle tire la sonnette d'alarme.
Quand le débordement cesse d'être une adaptation et devient un signal d’alerte
Il y a un point de bascule.
Un moment où le masque craquelle,
où le corps et l'esprit disent "stop".
Ignorer ces signaux, c'est jouer avec le feu.
Peut-être reconnaitrez-vous un ou plusieurs de ces indicateur critiques à écouter, sans complaisance :
Le grand écart entre effort et sens
Vous vous épuisez,
vous donnez énormément,
mais sans ressentir de satisfaction réelle,
de connexion à ce qui compte pour vous.
Le moteur tourne à plein régime, mais à vide.
C’est le signal que vous avancez,
mais dans une direction qui n’est plus la vôtre.
La fatigue qui s'incruste
Ce n'est plus la fatigue saine après un effort intense,
mais une lassitude chronique qui ne disparaît pas avec le repos.
Elle s'aggrave, semaine après semaine.
Votre système est en surcharge permanente.
L'érosion des liens
L'irritabilité devient votre seconde nature.
Vous devenez moins disponible,
moins sensible aux autres.
Vous vous éloignez,
même de ceux que vous appelez vos "proches".
Le "trop-plein" intérieur déborde et abîme vos relations.
Le coût humain devient trop élevé.
Et sans vous en rendre compte,
vous perdez pied là où vous teniez bon
dans les liens qui vous soutiennent.
Le conjoncturel devient structurel
Ce qui devait être une "phase intense",
un "coup de feu" exceptionnel,
devient votre nouvelle normalité.
Le "mode survie" est activé en permanence.
Ce n'est plus une vague, c'est la marée haute constante.
Et vous apprenez à respirer sous l’eau,
oubliant qu’on n’est pas fait pour y vivre.
Le corps prend la parole
Troubles du sommeil,
douleurs récurrentes (dos, estomac...),
tensions musculaires, maux de tête...
Quand l'esprit ignore les signaux,
le corps finit par parler,
souvent de manière moins subtile.
Il est le dernier rempart avant la rupture.
Ce n’est plus un symptôme
c’est un signal d’alarme en pleine lumière.
Écouter l'alerte
Reconnaître ces signaux,
c'est le premier pas essentiel.
Face à ces alertes,
la réponse n'est pas dans une nouvelle application de productivité
ou une méthode de gestion du temps de plus.
Elle est souvent dans un changement de posture.
Questionner la situation
Pourquoi suis-je dans cet état ?
Comment j’en suis arrivé là,
quel contexte m’a progressivement amené à cette situation ?
Qu'est-ce que je cherche (ou fuis) dans cette agitation ?
Qu'est-ce qui est réellement important pour moi, que j’ai perdu de vue ?
Redéfinir l'engagement
Le véritable engagement n'est pas de se noyer,
mais d'agir avec clarté et intention sur ce qui compte vraiment.
Oser le "moins"
Moins de tâches,
moins de distractions,
moins de "oui" automatiques,
pour faire place à l'essentiel,
à la respiration, à la réflexion.
Reprendre la main
Il s'agit de redevenir l'artisan de ses journées,
de choisir consciemment où va notre énergie,
notre attention.
Être débordé n'est pas une fatalité, ni une médaille.
C'est souvent le symptôme d'un déséquilibre profond,
d'une déconnexion avec soi-même et ses aspirations.
C'est un signal que le système actuel, n'est plus soutenable.
La vraie question n'est pas "Comment puis-je tout faire, tout supporter ?".
Mais plutôt "Qu'est-ce qui mérite vraiment d'être fait,
et comment puis-je le faire d'une manière qui rende ma vie plus habitable
et mon travail plus supportable ?".
Écouter ce signal d'alerte, c'est s'offrir la possibilité de reprendre le contrôle,
non pas en accélérant, mais en choisissant sa direction.